Je
ne venais que pour quelques minutes. Pour lui apporter des cartons.
Elle
est belle, son ventre s’est arrondi, elle est toute jolie ! Je la sens
nerveuse, un peu pressée, un peu essoufflée. Je me dis qu’elle est sans doute
fatiguée de la grossesse, avec la gestion de son aînée, encore si petite.
Elle
semble affairée, préoccupée. Nous papotons un peu, de choses, et d’autres,
comme si nous attendions toutes deux d’aborder un sujet bien précis, comme si
nous savions qu’une fenêtre allait bientôt s’ouvrir pour nous permettre, à
chacune, de trouver la raison de notre présence en cet instant. Il faut
quelques minutes pour que nos rôles se mettent en place, que nous puissions
jouer notre partition.
Je
pose enfin la question qui sert de clé à l’expression de ses émotions :
Et ton mari, il t’aide ?
Elle
éclate en sanglots. Sa fille, qui a tout juste un peu plus de 18 mois, nous
rejoint près du canapé et pose sa petite main ronde sur le genou de sa maman,
en signe de compassion et d’écoute attentive.
A ses
côtés, j’écoute ses larmes et ses respirations entrecoupées de spasmes,
manifestations, j’imagine, de sa tentative désespérée de refermer la vanne qui
s’ouvre en grand d’un seul coup. A cet instant, je comprends que je suis là
pour cette raison : pour que les vannes puissent s’ouvrir, pour que son
cœur s’ouvre à la souffrance qu’elle ressent, celle qui lui pèse, celle qui
modifie sa perception du bonheur, de la réalité, celle qui lui fait répéter
inlassablement : je n’en peux plus…
je n’en peux plus…
Comme
elle semble fragile, soudainement. Ses peurs, ses doutes, se dévoilent à moi.
Nous ouvrons ensemble ce livre de son histoire qui a besoin d’être lu, qui a
besoin d’être dit et reconnu.
Et
son histoire, bon sang, vient de plein fouet frapper la mienne et me rappelle
ma propre douleur.
Je
vois s’ouvrir devant moi le chemin que je viens de parcourir ces derniers mois.
L’incommunicabilité entre moi et l’homme qui partage ma vie, le père de mes
enfants. L’absence d’écoute de mes besoins, de considération de mes soucis.
Dans
sa tête à elle, cela semble si confus. Elle ne reconnaît que cette
inconfortable alarme qui hurle en elle. Prête à reconnaître et à écouter tous
les besoins de son conjoint, elle suffoque de ne pas donner place aux siens.
Elle étouffe de n’être considérée « que » comme une mère au foyer,
qui a bien le temps de se reposer, de prendre soin d’elle, d’être disponible
pour le rangement et l’entretien de la maison. Après tout, elle, elle a le
temps n’est-ce pas.
Je
reste silencieuse, la laisse m’exposer ses sentiments. Quand elle semble prête
à passer à autre chose, à écouter, je lui parle de moi, de mon expérience de
femme.
Tu
n’es pas seule tu sais. Nous sommes des générations de femmes à croire, dans
notre inconscient le plus profond, à la supériorité du sexe opposé et à nous
conformer à leur avis. De ta gorge jusqu’à mes oreilles, je les entends, toutes
ces femmes, larmes au poing, cœur bâillonné, qui hurle en silence leur désir de
liberté ! Je les entends et les vois, elles sont de tous les âges, de tous
les temps… Aujourd’hui, c’est toi. C’est moi.
… je
veux allaiter, mais mon mari ne veut pas.
…
mon mari ne m’aide pas vraiment le soir, il est déjà si fatigué !
… il
se fâche contre moi, mais c’est bien normal, je suis si bête…
… je
demande à mon homme s’il est ok pour que je sorte ce soir.
Je
l’ai entendu, l’entends encore.
Et
même dans ma propre bouche.
Ma
bouche qui craint de parler, qui a peur de demander. Je suis là, pétrifiée de
l’intérieur, en pensant : de toute façon, j’aurais tord et il aura
raison !
J’aurai
tord. Il aura raison.
Parce
que la société nous a appris, inculqué, insidieusement, inconsciemment, la
supériorité masculine sur le sexe féminin, il est normal d’observer qu’il reste
deux choix possibles aux Femmes : se soumettre ou se rebeller.
Il
reste une 3ème voie, mais elle est encore peu connue dans notre
culture occidentale. Je la souffle à mon amie.
Tu
reconnais les besoins de ton mari, et lui, reconnaît-il les tiens ? Il y a
un chemin vers le compromis, vers l’équilibre entre deux êtres. Le compromis,
ce ne sont pas les concessions. Les concessions infligent une perte : je
cède une part de mes besoins, de mes attentes, de mes demandes. Je dois encore
souffrir, en attendant de trouver l’accord qui nous conviendra. Parfois, les
deux concèdent, ouvrant la voie terrible de la rancœur, de l’amertume contre
l’autre et les sentiments négatifs qu’il ou elle a fait émerger en nous.
Le
compromis est différent. Le compromis est une composition originale et créative
qui tient des besoins de l’un ET des besoins de l’autre ; chorale
harmonieuse et unique, dans laquelle chacun se sentira reconnu, aimé, pris en
compte.
Aujourd’hui,
je veux t’enseigner l’idée du compromis. Aujourd’hui, je veux que tu entendes
que tes besoins et ceux de ton conjoint ont besoin d’être reconnus TOUS LES
DEUX, A PARTS EGALES.
Et
quel magnifique chemin s’ouvrira à nous… A nous, les couples nouveaux.
Viens
ma Sœur Céleste, empruntons cette route, toi et moi, toutes les deux. De nos
mains, naîtrons la solidarité et la force nécessaire pour y arriver, surmonter
les obstacles, de nos échecs nous relever.
Aleshanee
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